L’arrivée du navire Zimrida au large d’Abidjan avec 20 000 tonnes de nitrate d’ammonium soulève des interrogations de plus en plus pressantes. Bien qu’il soit un produit couramment utilisé dans l’industrie agricole et minière, le nitrate d’ammonium est aussi un composé hautement dangereux, potentiellement explosif en raison de sa forte concentration en azote

Derrière ce transport, un deal en coulisse pourrait bien se cacher, en lien avec des enjeux poli tiques, économiques et géopolitiques. De l’origine de la cargai son aux conditions d’accueil du navire au port d’Abidjan, les zones d’ombre restent nombreuses. Ce contexte, ac compagné d’un enchaînement de faits intrigants, alimentent des spéculations sur d’éventuels arrangements qui au raient pu être passés pour permettre l’acheminement de ce produit en Côte d’Ivoire. près de 20 000 tonnes de nitrate d’am monium, « est arrivé discrètement au large d’Abidjan, après avoir été refoulé par plusieurs ports européens en raison de l’état de la cargaison et de son danger potentiel ». L’alerte soulève des inter rogations sur les raisons pour lesquelles ce navire, dont la cargaison a suscité de vives inquiétudes en Europe, a été auto risé à entrer dans les eaux ivoiriennes. Les origines du navire Zimrida Jean Christian Konan, consultant en veille stratégique, a tiré la sonnette d’alarme sur cette situation complexe. Dans une publication datant du samedi 4 décembre 2025, il a révélé que le na vire Zimrida, portant une cargaison de En effet, le navire Zimrida, battant pa villon de La Barbade, a quitté le port britannique de Great Yarmouth, dans le comté de Norfolk, le 16 décembre 2024. Sa cargaison de nitrate d’ammonium, pesant au total 20 000 tonnes, a été prise en charge quelques semaines plus tôt au port britannique après un transborde ment avec un autre navire, le Ruby. Ce dernier, un cargo de la compagnie Sere nity Ship Management DMCC, basée aux Émirats arabes unis, avait subi une avarie en mer de Norvège. L’origine de cette avarie reste floue, et le Ruby, qui venait de la Mer Blanche en Russie, n’a pas été accueilli dans plusieurs ports eu ropéens, en raison de la nature de sa car gaison et de son pays d'origine. Après son transbordement, le Zimrida a pris la mer pour la Côte d’Ivoire. Lors de son arrivée au large d’Abidjan le 30 décembre 2024, des précautions ont été prises en raison des risques as sociés au nitrate d’ammonium, un pro duit dont l’usage est encadré strictement à cause de son potentiel explosif. Selon le communiqué du Port Autonome d’Abidjan, le navire devait initialement entrer dans le port pour accoster le 6 janvier 2025. Cependant, les autorités ivoiriennes ont décidé de maintenir le navire en rade extérieure, loin des eaux territoriales, en raison de préoccupations liées à la sécurité. Ce n’est qu’à la suite d’une réunion des autorités compé tentes, prévue pour le 6 janvier, qu’une décision pourrait être prise sur le traite ment de la cargaison. Les premières informations sur le dos sier ont alimenté des spéculations, no tamment en raison de l’origine complexe du produit, de son trajet jusqu’en Côte d’Ivoire, et des condi tions dans lesquelles il a été transporté. Il y a quelques mois, le Ruby, en prove nance de la Russie, avait été refusé par plusieurs ports européens avant de trou ver refuge au Royaume-Uni. C’est dans ce contexte que le Zimrida a pris le re lais pour transporter la cargaison. Les craintes se sont alors multipliées, d’au tant plus que la cargaison en question, selon des experts, pourrait être contami née ou mal conditionnée, menaçant ainsi la sécurité des populations ivoi riennes. La cargaison reste sur les eaux territoriales de Côte d’Ivoire Le 6 janvier 2025, à l’issue de la réunion entre les autorités ivoiriennes, les ser vices du Port Autonome d’Abidjan, et les experts, il a été confirmé que toutes les mesures de sécurité avaient été prises pour protéger la population, et qu’aucune menace imminente ne pesait sur la sécurité publique. Toutefois, un point essentiel de cette réunion concerne les procédures de traitement de la car gaison. L’inspection des 3 000 tonnes destinées à être déchargées à Abidjan devra être menée dans les plus brefs dé lais, avec l’implication des experts du CIAPLOL, l’organisation en charge de la surveillance des produits chimiques. Pourtant, au-delà des aspects tech niques, l’affaire soulève des questions de fond sur les décisions qui ont été prises pour accepter ce navire dans les eaux ivoiriennes. Pourquoi avoir permis à un cargo dont la cargaison a été à la fois transbordée et issue d’un port à la réputation douteuse de venir accoster à Abidjan ? Et, surtout, pourquoi ce type de produit, potentiellement dangereux, a-t-il été autorisé à entrer en Côte d’Ivoire, alors que de nombreux ports en Europe l’avaient refusé ? La trans parence sur les conditions d’acceptation de ce navire n’est pas totale, et l’ombre d’un deal se profile derrière les cou lisses. Les enjeux économiques sont aussi évi dents. Le nitrate d’ammonium, bien qu’il présente des risques élevés, est crucial pour l’industrie minière et l’agri culture. Le cargo transportant ces 20 000 tonnes a été destiné à alimenter une entreprise minière en Côte d’Ivoire, où la SODEMI détient une part importante. Énigme L’énigme réside dans la question de sa voir pourquoi ce produit a été accepté dans un contexte de sécurité nationale, alors que des risques évidents étaient as sociés à son transport. L’exportation de ce produit par une société où des acteurs politiques et économiques sont impli qués soulève des interrogations légi times sur les intérêts financiers et les possibles arrangements qui auraient pu être pris en coulisse pour permettre l’importation de ce nitrate d’ammo nium. Le Port Autonome d’Abidjan a tenu à rassurer la population sur la sécurité des opérations et sur la vigilance des auto rités qui supervisent les importations, particulièrement en ce qui concerne les produits à risques. Le fait qu’aucun dan ger immédiat n’ait été relevé, grâce à l’application des normes environnemen tales et de sécurité, peut apaiser les craintes. Cependant, les enjeux straté giques restent de taille. L’incident révèle un défaut de communication sur les vraies raisons qui ont conduit à la venue du Zimrida dans les eaux ivoiriennes. Pourquoi ce navire, dont la cargaison est potentiellement dangereuse, a-t-il été autorisé à accoster si près des côtes ivoi riennes ? Certains observateurs affirment que le débat devrait s’orienter vers une plus grande transparence dans la gestion de ces cargaisons sensibles. Ils soulignent que, bien que la situation semble avoir été maîtrisée, la gestion des produits dangereux en Côte d’Ivoire reste un enjeu de sécurité publique, d’autant plus quand des cargaisons en provenance de pays controversés arrivent sur nos côtes. Analyse d'experts L’issue de cette affaire dépendra sans doute de l’analyse des experts, mais les questions restent nombreuses. La situa tion actuelle, avec le navire toujours en rade, met en lumière l’importance de la vigilance, tant des autorités portuaires que des citoyens. L’affaire du Zimrida pourrait-elle être l’arbre qui cache la forêt d’une série de décisions, prises dans l’ombre, qui concernent à la fois des intérêts privés et des enjeux géopo litiques bien plus vastes ? Ainsi, en attendant une décision finale sur le déchargement de la cargaison, les spéculations sur les coulisses de cette affaire ne cessent de croître. Les autori tés ivoiriennes devront démontrer qu’elles ont agi dans l’intérêt de la po pulation et non sous la pression d’inté rêts économiques et politiques. À l’heure où la sécurité des populations est en jeu, l’opacité de certains dossiers semble laisser place à des interrogations sur la gestion des ports et des produits dangereux.